
Désactiver la banane accrochée au mur : vers une nouvelle grammaire de l'art contemporain

L'art contemporain se trouve au cœur d'un paradoxe. D'un côté, il prône la liberté, l'expérimentation et la rupture avec les normes ; de l'autre, il opère au sein d'un système rigide et codifié, où la valeur d'une œuvre ne découle pas de sa force intrinsèque, mais de son parcours à travers expositions, critiques, collections et rétrospectives. C'est un système qui récompense le conformisme et punit la dissonance, qui certifie d'un label ce qui mérite d'être vu et acheté, et qui exclut ceux qui ne correspondent pas aux normes.
Un problème ancien, mais toujours actuel
Il n'en a pas toujours été ainsi, mais on s'en est presque fallu de peu. Dans l'Antiquité, les mécènes religieux et politiques définissaient ce qui constituait l'art. À la Renaissance, ce furent les mécènes eux-mêmes. Au XIXe siècle, ce furent les académies et les salons. Au XXe siècle, l'avant-garde tenta de saper le système, mais fut rapidement absorbée et consacrée. Aujourd'hui, la légitimité s'acquiert par un réseau d'institutions, de marchés, de médias et de réseaux sociaux. Le public joue un rôle, certes, mais marginal. Le fossé entre l'art et la société demeure important.
Pourquoi a-t-on encore besoin d'intermédiaires ?
La justification la plus courante est l’« unicité » de l’art : un langage complexe, non immédiatement lisible, qui requiert des interprètes. Mais cette explication est insuffisante. Langage conceptuel : les œuvres d’art visuel contemporaines possèdent des codes philosophiques et théoriques qui nécessitent une médiation. Dimension économique : les œuvres uniques ou en édition limitée exigent des garanties d’authenticité et de valeur. Prestige social : collectionner de l’art est aussi un signe de statut social, et les experts entretiennent une aura d’exclusivité. Fragmentation du public : sans intermédiaires, l’art risquerait de se disperser dans des micro-niches incapables de générer un consensus.
Les fausses révolutions
La politique a aujourd'hui peu de pouvoir réel : elle peut influencer les expositions et les événements, mais se désintéresse souvent de la propagande. Les NFT promettaient une désintermédiation, mais se sont révélés plus relever de la spéculation que de la revitalisation. Les galeries en ligne ont baissé leurs prix, mais ont conservé cette aura d'autoréférentialité. En bref, le système est irrémédiablement irréformable : il intègre toute tentative de rupture et la transforme en convention.
Le vrai nœud du problème
Le collectionneur, en fin de compte, recherche une validation positive : la certitude que son choix sera reconnu, valorisé et récompensé. C’est tout à fait humain. Mais cette dynamique maintient l’art dépendant des intermédiaires. La distance entre l’art et le public ne découle pas de l’unicité de l’œuvre, mais du besoin de reconnaissance et de consensus.
Vers une nouvelle grammaire de l'art
Si nous voulons combler ce fossé, il nous faut des solutions concrètes. Il ne suffit pas de dénoncer, il faut proposer.
1. critique indépendante et transparente
Créer des plateformes de critique indépendantes du marché et des institutions, capables de proposer des lectures diverses et accessibles. Une critique non complice, mais un outil de compréhension.
2. Collecte responsable
Promouvoir une culture du collectionnisme qui transcende la simple valeur économique, en reconnaissant la valeur culturelle et sociale de l'œuvre. Encourager les achats directs auprès d'artistes émergents, grâce à des outils de certification éthiques et numériques garantissant l'authenticité sans exiger de tampon officiel.
3. éducation esthétique généralisée
Intégrer l'art contemporain dans les programmes scolaires, non comme une discipline élitiste, mais comme un langage universel. Donner au public les outils nécessaires pour lire et interpréter l'art sans intermédiaires.
4. Espaces d'expérimentation accessibles
Créer des espaces – physiques et numériques – où artistes et publics peuvent se rencontrer sans intermédiaires. Des ateliers, des résidences et des plateformes collaboratives qui favorisent le contact direct et la participation.
5. Reconnaissance de la pluralité
Acceptez l'idée qu'il n'existe pas de canon unique. L'art digne d'intérêt n'est pas seulement celui reconnu par les institutions, mais aussi celui qui émerge en marge, en dehors des canons traditionnels. Donner place à cette pluralité, c'est combler le fossé.
Alors, que faire ?
Le système artistique actuel est un organisme qui métabolise toute tentative de révolution. Mais il n'est pas invincible. Le véritable défi n'est pas d'inventer un nouvel urinoir, mais de construire un langage insaisissable, qui ne puisse être facilement traduit en un timbre bleu.
Il nous faut une nouvelle grammaire de l'art : critique indépendante, collection responsable, éducation esthétique généralisée, espaces d'expérimentation accessibles et reconnaissance de la pluralité. C'est la seule façon pour l'art de retrouver son essence : prise de risque, langage, résistance, véritable expérimentation et recherche. Non pas un consensus, mais une voix vivante. Non pas une étiquette, mais un geste qui interpelle le monde.
Il existe des livres qui ne se contentent pas de décrire l'art contemporain , mais le questionnent, le perturbent et le démasquent . Ils ne sont ni neutres ni complaisants. Ils sont écrits par des auteurs qui ont vécu au sein du système, l'ont parcouru et en ont perçu les contradictions : l'autoréférentialité, la codification et la dépendance à l'égard de la logique marchande et des mécanismes de légitimation.
L'un des ouvrages les plus emblématiques est * Inside the White Cube* de Brian O'Doherty , qui analyse le rôle de l'espace d'exposition comme dispositif idéologique. Le « cube blanc » n'est pas qu'un simple contenant, mais un filtre qui neutralise la dissidence et transforme chaque œuvre en un objet à contempler, isolé du monde. Ce texte a marqué un tournant, car il montre comment le contexte peut vider le contenu de son sens.
son ouvrage *L'Art aux toilettes. De Duchamp à Cattelan, l'essor et le déclin de l'art contemporain* Francesco Bonami adopte un ton mordant et ironique pour décrire le conformisme galopant qui règne dans le monde de l'art. Bonami n'épargne personne : artistes, commissaires d'exposition, collectionneurs, tous pris dans un jeu de complaisance et de mise en avant. Son point de vue est celui de quelqu'un qui connaît le système de l'intérieur, mais qui n'en est pas prisonnier.
« Pourquoi les gens continuent-ils de s'humilier en peignant des tableaux hideux et en écrivant des romans illisibles ? Parce que chacun de nous a besoin d'entendre une histoire, des histoires, non pas aujourd'hui, non pas demain, mais tout au long de sa vie. Quand personne n'est là pour nous les raconter, nous essayons de les inventer nous-mêmes en peignant un tableau ou en écrivant un livre. Peu importe que l'histoire que nous avons inventée soit belle, intéressante ou captivante ; l'important, c'est que ce soit une histoire. Tant que nous aurons besoin d'histoires, nous continuerons à peindre des tableaux, à écrire des livres, comme celui-ci peut-être, qui n'est pas une véritable histoire du tableau, mais l'histoire du tableau telle que j'aurais aimé l'entendre racontée, et que j'espère quelqu'un, voire beaucoup, trouvera agréable et divertissante à sa lecture . » Extrait de Bello, Sembra un Pittura. Contre-histoire de l'art, Francesco Bonami
Alors rions-en, mais avec lucidité. Car si l'art contemporain a cessé de rechercher la beauté, l'œuvre soignée, la pensée incarnée dans la forme, ce n'est pas par évolution, mais par abdication. S'il a renoncé à la communication, à la transcendance, à la responsabilité du geste, ce n'est pas par liberté, mais par complicité. Le système a érigé son propre sacrement, canonisé les sgunz et protégé le rituel. Et quiconque ose s'y opposer est excommunié avec sarcasme, avec compassion, avec silence.
Mais le temps, comme l'écrit Crespi, est un bon juge. Et peut-être que, dans quelques décennies, la Turbo Cloaca sera exposée aux côtés des cornes empaillées du cabinet de curiosités , comme un témoignage d'une époque où l'on confondait bruit et pensée, provocation et vision, marché et sens.
La résistance n'est pas du moralisme. C'est une quête de sens. C'est la volonté de redéfinir les limites, non d'exclure, mais de reconnaître. Car l'art, s'il veut encore être art, doit reprendre la parole. Pas seulement pour surprendre. Il doit recommencer à montrer le monde, non à le copier. Il doit redevenir geste, forme, pensée. Et si cela implique de rire de lui en secret, que ce soit un rire qui ouvre, non un rire qui ferme. Un rire qui désamorce les dogmes et redonne à l'art sa voix et sa dénonciation.
Avec sa clarté désarmante habituelle, Francesco Bonami nous conduit au bord du précipice de l'art contemporain , là où le geste final n'est plus , mais une pose de catalogue . Il nous rappelle que, quels que soient nos efforts pour poursuivre l'idée la plus audacieuse, le concept le plus dérangeant, le projet le plus irréalisable, il ne reste souvent qu'un écho stérile, un exercice de style qui a perdu toute âme.
Ainsi, après un siècle de provocations, d'urinoirs renversés et de toilettes dorées, après l'orgie conceptuelle et la boulimie curatoriale, Francesco Bonami et bien d'autres nous invitent à revenir au geste simple, et pourtant non banal. À cet enfant de Charles Ray qui, immobile sur le sol, fait voyager le monde dans une petite voiture. Car l'art, s'il veut encore avoir du sens, ne doit plus émerveiller : il doit nous faire entrer dans une histoire. Il doit nous emmener en voyage. Sans bouger. Sans crier. Sans tampons.
Telle est la tâche de l'art de demain : non pas ajouter du bruit, mais rendre la voix et la dénonciation.
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